TITRE ARTICLE : Engagement citoyen et participation démocratique de la jeune femme en RDC
DATE DE PUBLICATION : 2022-10-19
Après des décennies d’exclusion de la femme à
une participation effective à la vie des nations, après des décennies de
construction d’une culture d’infériorisation de la femme et d’atteinte à ses
libertés, la nécessité de s’engager en faveur des droits et de l’éducation de
la femme s’avère de plus en plus une nécessité pour cette génération. La
création d’un monde équitable et l’avenir meilleur de l’humanité ne se
construira pas sans une véritable participation de la femme. Dans des régions
comme la République Démocratique du Congo, le Soudan, la Centrafrique, la
Somalie les femmes ont subi des lourds tributs avec des guerres civiles, des
conflits sanglants, de privation guerrière de leur liberté, etc. Et comme il
est de coutume, les droits des femmes et des filles sont toujours les premiers
à être touché en période de conflits et de crises. Dans certains de ces pays
comme la RD Congo, les violences sexuelles en période des conflits ont été
utilisées comme arme de guerre, ce qui a contribué à accroître la vulnérabilité
de la femme et à rendre son autonomie économique précaire. D’un camp des
réfugiés à l’autre, elle devrait se déplacer avec sa famille, rendant ainsi
l’accès à l’éducation, au logement, à la sécurité, à l’alimentation difficile.
Malgré le fait que certaines femmes ont réussie
à se dépasser et se démarquer, beaucoup sont celles qui ont vu ces évènements
contribués largement à accroître leur niveau de vulnérabilité, faisant ainsi
d’elles des êtres impuissants, incapables de prendre des décisions courageuses
sur leurs propres vies, ou jouer des rôles déterminants dans leurs communautés.
La plupart regardent innocemment et passivement la société sans avoir l’audace
de s’y engager pour y impulser des changements décisifs prenant en compte leurs
droits. C’est pour répondre à cela que l’organisation JAMAA Grands Lacs à
travers son programme de l’Université citoyenne propose de travailler sur la résilience
et la réhabilitation de la force intérieure de cette femme à travers sa fameuse
pédagogie curative et sa méthode développée dite de 6 Puissances ; ayant pour
visée de contribuer à la construction des personnalités fortes qui participent
efficacement à créer un autre avenir pour leurs communautés. Un avenir qui soit
plus égalitaire et plus inclusif. Ces puissances sont entre autres :
La puissance
communicative : Il s’agit à ce niveau de se construire une
opinion qu’on incarne comme identité qu’on se doit de communiquer aux autres.
Il n’est plus question de présenter les femmes seulement en fonction des leurs
traits biologiques distinctifs (indices sexo-spécifiques), mais en fonction des
causes qu’elles portent et défendent dans la société. Cette dimension de
puissance communicative renvoie aussi à une force de conviction et de parole
avec laquelle on diffuse ses idées mobilisatrices au sein de la communauté. Au
fond, c’est une parole utile et précieuse qui favorise le tissage des liens
d’humanité avec ses semblables, qui élève et relève, qui donne foi en la vie et
en l’avenir.
La puissance du
rêve : C’est un appel aux jeunes femmes à oser rêver,
à oser se projeter dans l’avenir en voyant le rôle qu’elles pourront y jouer.
Ceci casse la logique des simples ambitions personnelles pour s’ouvrir à
l’immensité des grands rêves, des visions et des utopies de grandeur dans lesquels
les sociétés, les communautés et les peuples ont de la place. Cette grande
vision c’est, au fond, le pouvoir de rendre une société heureuse en assumant,
dans les relations humaines, le pouvoir de sentinelle, de veilleur, de guetteur
et d’impulseur, pour ainsi dire, des énergies du bien contre les pouvoirs du
mal (Jean-Blaise Kenmogne, 2014). La nouvelle civilisation congolaise des
femmes d’envergure, c’est surtout celle des femmes aux grands rêves, aux
grandes ambitions, aux grandes utopies qui raisonnent dans l’imaginaire
collectif comme force de mobilisation de toutes les couches sociales pour
rompre avec les chants de misère, en vue de construire une nouvelle destinée commune,
prospère et heureuse. Car comme le fait savoir le penseur congolais KäMana, en
matière de recherche de solution aux grands problèmes de l’existence humaine,
tout commence par cette capacité de rêver fort, de rêver haut, de rêver grand,
de voir loin et de viser tous les possibles et même l’impossible pour changer
la réalité en profondeur (KäMana, 2013). Ainsi l’acquisition de la puissance du
rêve est aujourd’hui essentielle pour la femme congolaise dans son combat pour refaire
l’avenir ; un avenir où elle ne sera plus la périphérie, mais le cœur battant de
toutes les grandes dynamiques sociétales.
La puissance
d’action : Il s’agit à ce niveau d’apprivoiser le génie
créateur de la femme, et son intégration dans des initiatives qui lui
permettent de penser avec les autres tout en étant elle-même, de donner son
point de vue, et de fertiliser un agir qui porte en lui la promesse du
changement de l’ordre des choses dans la société. Dans cette perspective, on
sort de la logique d’attentisme, et de la mentisme vers une perspective de
puissance créatrice qui fait que les femmes s’imposent par leur force
d’organisation et d’initiative. Plusieurs espaces s’offrent ainsi aux jeunes femmes.
Espaces qu’elles doivent apprendre à investir profondément avec leurs idées
d’action. Le champ de la société civile reste ainsi fertile ; les collectifs et
les réseaux des femmes, les organisations non gouvernementales, les
associations, les mouvements citoyens, les Eglises, les groupes d’action
positif, les partis politiques, les Petites et Moyenne Entreprises (PME), etc.
La conquête également de l’espace politique avec une autre idée du pouvoir, pas
en tant que lieu d’expression de la logique guerrière des hommes avec les pulsions
d’une masculinité dominatrice, mais avec la logique maternelle, celle de
protection de la vie et de préservation de l’humanité des uns et des autres à
tous les coups.
La puissance
relationnelle : L’art de nouer des relations de qualité avec
les autres, pour se construire un vaste réseau de relations humaines avec
lequel on compte transformer la société. Car comme dit ce proverbe Hunde : «
Amwami, bandu » autrement-dit « le roi, c’est les gens », comme pour dire on
est véritablement leader que lorsqu’on pense et agit avec les autres et pour
les autres ; lorsqu’on est dans une approche d’ouverture et non d’enfermement,
de jeter le pont pour aller vers l’autre et les autres et non d’en couper. Un
Homme d’ouverture renchérit à ce propos le penseur camerounais, Jean-Blaise
Kenmogne, sait ce que valent les relations humaines comme capacité
d’enrichissement et trésor de vie.
Il sait que l’être de la personne humaine, ce
sont ces liens dans leur fécondité
(Jean-Blaise Kenmogne, 2014).
La puissance d’intelligence
: cette dimension relève de l’ordre de la
construction d’une masse critique de femmes de réflexion dont l’écho
d’intelligence stratégique et organisatrice contribue à imaginer et construire
l’avenir. Comme le rappelle non sans raison la reine Hunde Bernadette Muongo
dans un récit traditionnel du destin d’un de leurs rois décapité par des
rebelles à la frontière de son royaume dont il voulait récupérer tout l’espace
de fécondité et de rayonnement, « il est indispensable d’investir dans l’énergie
de nos têtes pour retrouver le pouvoir de construire l’avenir » (Bernadette
Muongo, 2016). Il est question de toujours réfléchir…réfléchir…réfléchir avant
d’agir de telle sorte que l’agir qu’on impulse contribue réellement à changer
la société dans un ordre nouveau de paix, de commune prospérité et de
développement durable.
La puissance du
cœur : cette dimension relève de la force de
veiller au bien d’autrui, cette disposition à porter en soi les souffrances et
les joies d’autres êtres humains quand il est question d’agir, une force
altruiste en somme. Le philosophe américain Thomas Nagel le dit mieux lorsqu’il
affirme que l’altruisme est une « inclinaison à agir en tenant compte des
intérêts d’autres personnes et en l’absence d’arrière-pensées. » (Thomas Nagel
cité par Mathieu Ricard, 2013). Il s’agit de passer outre l’égoïsme et
l’individualisme pour porter en soi l’humanité des autres. Le Docteur Denis
Mukwege le dit avec luminescence lorsqu’il affirme qu’« on cesse d’être un
homme quand on ne souffre plus de la souffrance de l’autre ». Le leadership
féminin du renouveau est celui du cœur, où toute action précède d’une réflexion
préalable sur la part des autres et de l’autre, ainsi que la préservation de leur
propre humanité.
Le travail s’est focalisé dans sa première
phase sur la question de la participation sociale et politique de la femme. Les
résultats sont déjà séduisants tels que vous constaterez dans les témoignages
des jeunes femmes bénéficiaires ici. Dans sa deuxième phase elle se focalise
sur la question de la participation économique, avec pour objectif de
contribuer à une réelle autonomisation économie de la femme en RDC et plus
particulièrement dans la province du Nord-Kivu, une province qui a connu des
années de tensions qui ont sensiblement affectées l’être et les conditions de
vie globale de la femme.