Université citoyenne en RDC



Plusieurs instruments au niveau international décrivent la nécessité pour la femme d’avoir une intégration politique et une place dans la gouvernance des nations. Le protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples relatif aux droits des femmes en Afrique, dit également Protocole de Maputo, adopté à Maputo en 2003, prévoit à l’article 9 le « droit de participation au processus politique et à la prise de décisions ». Les États entreprennent des actions positives spécifiques pour promouvoir la gouvernance participative et la participation paritaire des femmes dans la vie politique de leurs pays, à travers une action affirmative et une législation nationale et d’autres mesures de nature à garantir que :

a) les femmes participent à toutes les élections sans aucune discrimination ; b) les femmes soient représentées à parité avec les hommes et à tous les niveaux, dans les processus électoraux ;
c) les femmes soient des partenaires égales des hommes à tous les niveaux de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques et des programmes de développement de l’État.

Pour sa part l’Assemblé générale des Nations-Unies à adopter en 2011 la résolution n°A/RES/66/130. Cette résolution appelle les États membres à renforcer la participation des femmes à la vie politique, à accélérer l’instauration de l’égalité entre les hommes et les femmes dans toutes les situations, y compris en période de transition politique, de promouvoir et de protéger le droit fondamental des femmes. La participation des femmes en politique est également mentionnée dans la cible 5.5 des Objectifs de Développement Durable (ODD) : « Garantir la participation entière et effective des femmes et leur accès en toute égalité aux fonctions de direction à tous les niveaux de décision, dans la vie politique, économique et publique ».

Cependant, malgré ces instruments, la sous-représentation des femmes à tous les niveaux de gouvernance demeure encore une réalité tangible dans les pays sub-sahariens et plus particulièrement en République démocratique du Congo. La démographie du pays est composée d’une majorité de 52% des femmes, ce qui veut dire que les femmes sont un pilier de la société congolaise quant à leur supériorité numérique. Cependant, elles ne sont pas impliquées intégralement dans les instances de prises de décisions du pays. Au sein de l’assemblée nationale par exemple, elles ne représentent que 12% ; dans les assemblées provinces, elles ne représentent que 10% à 12%. Et même, leur présence reste encore moins ressentie au sein des structures de la gouvernance locale, dans les territoires, les communes, les quartiers, les avenues, etc. La dominance masculine a réussi à prendre du dessus à tous les niveaux.

Selon les dernières données du Baromètre 2017 du Protocole Genre de la SADC estiment que contrairement à l’enseignement primaire où la parité est presque atteinte, les filles ne représentaient que 41 % des étudiants du secondaire contre 59 % pour les garçons, le taux d’achèvement des filles étant de 34 %. Seulement 9% des femmes seraient propriétaires terriennes, plaçant le pays au dernier rang des pays de la SADC dans ce domaine. Les violences basées sur le genre restent aussi une réalité, malgré les progrès importants du pays en matière de répression des viols. En effet, 64 % des Congolais estiment que le mari est en droit de punir sa femme pour mauvaise conduite (suivant le Baromètre 2017). Le rôle exigeant d’épouse et les devoirs de mère et l’éventail très réduit des opportunités renforcent les difficultés des femmes à être actives sur le marché du travail (Jonas Kibala Kuma, 2020) et plus encore dans le domaine politique.

Plusieurs raisons entrent en jeu pour justifier cela. Les études font en amont état de deux obstacles majeurs qui freinent la participation de la femme à la vie politique. D’une part, des entraves structurelles causées par des lois et des institutions discriminatoires qui réduisent leurs possibilités de voter ou de se porter candidates à un mandat politique. D’autre part, les femmes ont généralement moins de chances que les hommes de suivre une formation, de nouer les contacts et de bénéficier des ressources nécessaires pour devenir des dirigeantes performantes. Dans un récent atelier d’échange tenu par JAMAA Grands Lacs avec les femmes des Associations Villageoises d’Épargne et de Crédit/AVEC à Goma (RDC), nombreuses sont celles qui estiment que la sous information et le manque des formations, est l’un des piliers de la sous-représentation des femmes dans la vie politique du pays.

C’est pour relever ces défis que JAMAA Grands Lacs a mis au point le programme d’appui à la participation sociale, politique et économique des jeunes et des femmes depuis le mois d’Avril 2022. Dans sa première phase (Avril – Juillet) concentré sur l’aspect social et politique, le programme a réussi a travaillé avec 105 jeunes femmes et 90 jeunes garçons venues de 68 structures de la société civiles de la province du Nord-Kivu/RDC. Parmi eux des jeunes femmes vulnérables, des universitaires, des jeunes hommes et femmes des médias, des leaders des associations, des organisations non gouvernementales, des églises, des membres des partis politiques, etc. L’ensemble de sessions accueillent chaque semaine une moyenne de 25 personnes, dont la majorité est constituée de jeunes femmes de moins de 35 ans.

L’ensemble de séances sont faites dans une approche interactive et participative débouchant à un débat démocratique, où les citoyens retrouvent leur rôle de citoyen et s’engagent. L’ensemble des facilitatrices de sessions viennent des structures gouvernementales et non gouvernementales. Il s’agit essentiellement des autorités administratives et non administratives (ministres, leaders des partis politiques, professeurs d’université, directrices des ONG et associations). Ce choix des facilitatrices (teurs) séniors réfléchissant et parlant avec les jeunes contribue au renforcement du dialogue intergénérationnel qui a tant manqué à la société congolaise, créant ainsi une fissure entre les autorités et la jeunesse.

Les résultats sont passionnants ; des jeunes femmes qui ont repris confiance en elles après s’être briser par leurs situations de vie peu favorable, des jeunes femmes qui ont rejoint des partis politiques pour y exercer leur leadership et s’en servir comme voie d’entrer dans les instances de décision, le rétablissement des liens de confiance entre les jeunes et les autorités, le réseautage entre les initiatives des jeunes, la brisure des stéréotypes entre les jeunes issus des divers milieux culturel et social, favorisant ainsi la célébration des diversités, la culture du vivre-ensemble et de la paix sociale. En savoir plus









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