TITRE ARTICLE : Chemin de paix, justice et réconciliation en RDC
DATE DE PUBLICATION : 2022-04-17
LA PAIX, UN COMMUN UNIVERSEL REMIS AU GOUT DU JOUR POUR
CONSTRUIRE L’AVENIR
Phidias A. Senge Milemba
Professeur au Département des sciences politiques de l’Université
de Goma (RDC) et membre du CERCLECAD (Ottawa)
Pour commencer, trois interrogations : le
discours sur la paix est-il opportun et recevable au Congo, alors qu’à l’heure
où je prends ma plume pour rédiger cette préface, des affrontements entre
groupes armés et armée régulière traumatisent encore les peuples ? Est-il permis
de parler du « chemin de la paix » dans un pays où l’animalité définit
l’humain, et de ce fait, les morts sont ramassés, comptés et enterrés sans leur
rendre hommage mérité ? Est-il permis de parler de la paix dans un pays en
détresse sociale continue ? Tous ces faits interrogent le bien-fondé de ce
livre dans un univers des cruautés à regretter et à se plaindre.
Mais là n’est pas le sens et le contenu que
l’auteur a accordé à son livre.
La simple lecture de ses lignes, captivantes
dès le premier coup d’œil, suscite la curiosité obligée de le lire et relire à
fond pour découvrir les recettes que l’auteur a proposé à la réinvention et
réimagination du « chemin de la paix » au Congo, un pays dont la paix semble
une échappée, et que les plus pessimistes la considèrent en péril achevé. La
paix, mot complexe, complexe comme sa construction et comme son maintien, mais
envisageable par la disposition des cœurs, l’ouverture à l’autre, le dialogue,
le courage, le budget pour des actions organisées, doit être retrouvée pour
bâtir et assurer un avenir commun. Il faut oser la paix, oser sa construction
et son maintien pour autant qu’elle n’est qu’un construit social : les fleurs
de demain sont les semences d’aujourd’hui, dit-on. Il faut trouver des moyens justes,
des matériaux intelligents et un esprit disposé à bâtir et consolider la paix.
Braver les absurdités, dont les signes, le
vocabulaire, la grammaire et la syntaxe sont de l’ordre de la négation, et
exploiter les capacités à réinventer et à investir des modèles d’action intelligents
au profit de la réimagination du commun universel : la paix. Tel est le ferment
de ce livre.
Bâtir la paix par la négative, par une démarche
belliqueuse, c’est construire une fausse paix. C’est cette paix qu’on cherche bâtir
à la vitesse de l’éclair ; c’est elle qu’on établit par le bout du fusil, par
la conquête. L’auteur de ce livre ne tarit pas de courage à dénoncer la paix offerte
à la population « comme un présent, celle qui se pense de l’extérieur avec des mécanismes
d’emprunts, celle qui valorise la violence comme stratégie de sa construction, celle
qui se mesure à la diminution du nombre de morts. » C’est en fait construire
une paix sans la paix. Dans ce contexte, le Pas-encore tardera à devenir un
Maintenant, la paix tardera à devenir un Présent et un Aujourd'hui pour un
avenir commun d’harmonie.
Présenter ce livre aux lecteurs revient à en
décoder les vues et les exposer sur l’agora des grands esprits critiques. Mais
duquel auteur s’agit-il ? Un jeune engagé sur la tortueuse route de la paix ;
un jeune nourri d’ambition, à première vue démesurée, de voir ce commun universel
habiter son pays ; un jeune engagé à la recherche de la paix à chaque périmètre
de sa parcelle d’influence dans la société. Dans ses convictions les plus
profondes, le « chemin de la paix » est un perpétuel recommencement. Il n’est
pas un « tout-fait », moins encore un « déjà fait », il est indéfiniment à
repenser. Penser l’établir une bonne fois pour toute, c’est fabriquer une paix
flottante, une paix fragile.
En 1999, quand les Nations Unies annonçaient le
déploiement de sa Mission de « maintien de la paix » au Congo, l’esprit des
Congolais était disposé, comme un esclave devant son Maître, comme un chrétien
devant l’évangile, à l’établissement de la paix à la vitesse de l’éclair, sans
imaginer à quel point ce processus ferait son chemin. Aujourd'hui, ce chemin
est devenu une réalité et se traduit par des prolongations du mandat de la
Mission des Nations Unies au Congo sans que la fin pour laquelle elle a été
décidée soit accomplie. Cette réalité démontre que la paix, un noyau central de
toute activité anthropique et pour laquelle les Nations se livrent bataille,
demeure un chantier à achever. C’est pourquoi des voix continuent de se lever pour
reconnaître la centralité de la paix au devenir de toute société et lui donner
la place qui lui convient. De sommet en sommet, d’atelier en atelier, et même d’école
de paix à une autre, on discute de ce commun universel, de sa place dans la
société en mutation infinie, de son rendement et de ses enchaînements. Faire de
tous des ouvriers de la paix, peu importe le coin du monde où l’on se trouve,
est la voie essentielle à l’accomplissement d’un avenir rêvé, ce à quoi ce
livre nous convie tous.
Malgré toutes les intempéries connues à la
construction de la paix au Congo et dans le monde, un nouveau chemin pour la
paix est possible. C’est aussi à cela que l’auteur s’applique dans son présent
livre. Sans remonter le temps, il s’est saisi des questions à portée mains
ayant trait à la situation des conflits et dynamiques de paix au Congo, et en a
dégagé d’autres horizons possibles à explorer pour faire de ce commun
universel, un Aujourd’hui, mieux, un Maintenant.
Nous avons introduit cette préface avec des questions,
nous la concluons en faisant de nouveau appel à un autre questionnement :
Comment les dynamiques d’en bas et leurs stratégies se construirons et se
reconstruiront sans cesse avec celles d’en haut pour reconsidérer et réimaginer
le « chemin de la paix », et remodeler vitalement la société congolaise ?
Je félicite, donc, l’auteur et souhaite autant de plaisir à tous les lecteurs que j’en ai éprouvé à la lecture de ce livre. Série : Dossier