La guérison des mémoires comme pilier de la construction d’une paix sociale authentique et durable.
DATE DE LA PUBLICATION : 2022-10-04
En date du 01 Août 2022,
dix-huit acteurs et actrices de la société civile de la province du Nord-Kivu
en RDC, tous intervenants dans le domaine de la consolidation de la paix et la
transformation des conflits, ont été convié à prendre part à une séance de
travail de restitution tenue par JAMAA Grands Lacs en collaboration avec le
Groupe Martin Luther King sur le thème « Guérison des mémoires, comme pilier de
la construction d’une paix sociale authentique et durable ». Le facilitateur Mr
Christophe MUTAKA, coordonnateur du Groupe Martin Luther King, a rappelé le
cadre contextuel dans lequel s’était passé la formation au Benin durant 5 jours
sous l’initiative de l’Institut pour la guérison des mémoires (Healing of
mémories Luxembourg), crée au Cap en 1998 sous la houlette du père Michael
Lapsley et qui a pour vocation de venir en aide aux victimes de diverses formes
de violence et d’oppression dans le monde.
Dans son exposé, il a
rappelé le point de départ du combat du père Lapsley qui a perdu ses mains et
un œil dans un attentat au colis piégé au Zimbabwe le 28 avril 1998, juste
trois mois après la libération de Nelson Mandela, au motif d’être un élément
gênant contre la ségrégation blanche en Afrique du Sud. En tant qu’aumônier
blanc de l’ANC en exil, il a été une source de la rancœur du régime
d’apartheid. Mais contre toute attente, son handicap a été une véritable source
de force, une motivation indomptable à devenir guérisseur des cœurs et des âmes
blessés en quête permanent de soulagement et de paix. Aux heures les plus sombres, dit-il, les forces du bien se sont révélées plus puissantes que les forces du
mal : l’apartheid s’est effondré et la justice a triomphé. De la même façon,
les gens puisent du courage dans ma propre histoire. La bombe qui n’a pas réussi
à me tuer m’a laissé la langue, qui était ma seule arme contre l’apartheid. Mon
handicap visible crée une certaine complicité avec d’autres, dont le handicap
est souvent moins visible que le mien aussi tout aussi réel. La vérité,
c’est que la douleur réunit les êtres humains. Dans le cadre de mon travail de
« guérisseur », beaucoup disent qu’ils peuvent avoir confiance en moi car je
sais ce qu’est la douleur. Quoi qu’il en soit, en définitive, ce qui importe le
plus, c’est de savoir si nous sommes capables de transformer la douleur en
force de vie, stipule dans ses mémoires.
Le facilitateur a eu un
long moment de questionnement sur les blessures tant individuelles que
collectives suivant le contexte de la République Démocratique du Congo, après
des décennies des guerres violentes et sanglantes, des massacres de masse
silencieusement entretenus au Nord-Kivu, au Sud-Kivu, en Ituri, au Kasaï, au
Maniema, etc. et l’impact de tout cela sur la conscience et l’inconscient
collectif. Au final, à force de descendre dans les profondeurs de notre être,
nous ne cessons de réaliser que presque tous nous sommes malade, insistait-il.
Il s’agissait pour lui de mettre en lumière les issus de ces évènements
horribles qu’a connu la RD Congo et plus particulièrement l’Est du pays, toutes
ces frustrations enfouies, ces réflexes de violences naissant de la
mal-digestion du passé, cette intuition bouillante de vengeance à l’intérieur
des individus et des communautés.
Face à cet état de choses,
la nécessité d’ouvrir un couloir de travail sur les mémoires à l’Est de la RD
Congo s’impose, tant pour guérir les hommes et les sociétés de leur passé, que
pour se rassurer de mobiliser les forces de résilience partout où elles se
trouvent pour construire un autre futur en phase avec le sens d’humanité vrai.
Après un débat parfois méditatif, parfois électrique, le facilitateur a conclu
son intervention par un vœu d’ouverture d’un champ large de fertilisation et de
dissémination de l’approche de guérison des mémoires étant donné le besoin qu’offre
la zone Est de la République Démocratique du Congo.
Le coordonnateur de JAMAA
Grands Lacs prenant la parole a remercié le facilitateur et les participants,
tout en affirmant que cela n’est que l’introduction d’un vaste travail de
guérison des mémoires que l’organisation veut amorcer dans la zone orientale de
la République Démocratique du Congo. Beaucoup de participants ont été
satisfaits de l’activité, tout en réclamant plus de temps.